L'Ordre national du Québec - Honneur au peuple du Québec - La plus haute distinction décernée par le gouvernement du Québec.

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Allocution du premier ministre à la cérémonie de remise de l’insigne de grand officier à M. Abdou Diouf le 1er  février 2011

La version lue fait foi

Monsieur Yvon Vallières, président de l’Assemblée nationale et président de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie, Son Excellence Abdou Diouf, secrétaire général de l’Organisation internationale de la Francophonie, Chers collègues de l’Assemblée nationale, Mesdames et messieurs les représentants du corps consulaire et diplomatique, Monsieur Bernard Voyer, président du conseil de l'Ordre national du Québec, Monsieur Denis Brière, recteur de l’Université Laval, Chers membres du Conseil de l’Ordre national du Québec, Distingués invités, Chers amis, nous nous rassemblons aujourd’hui pour un événement qui nous comble de joie en cette journée qui marque le 40e anniversaire de votre première visite au Québec alors que vous étiez premier ministre du Sénégal.

Nous élevons au plus haut échelon du temple québécois de l’honneur et de la reconnaissance, un ardent ami du Québec, un géant africain et un pilier de la Francophonie internationale. L’Ordre national du Québec a été créé en 1984. Il compte aujourd’hui 776 membres dont les accomplissements sont tels qu’ils ont trouvé place dans notre mémoire collective pour inspirer à jamais les Québécois. Depuis la fondation de l’Ordre national du Québec, c’est la deuxième fois seulement que l’un des récipiendaires étrangers de cette décoration est promu au sein de l’Ordre après y avoir été admis.

M. Abdou Diouf, cher ami, Toujours, votre présence nous honore. Toujours, votre exemple nous inspire. Toujours, vos mots nous émeuvent.

Vous voyez le jour le 7 septembre 1935 à Louga, capitale Ndiambour, dans ce bassin du Sénégal où la vie est rythmée par la culture des arachides. Vous êtes encore un tout jeune enfant lorsque vous êtes confié aux bons soins de votre grand-mère paternelle qui habite le comptoir de Saint-Louis, alors capitale du Sénégal sous le régime colonial. Votre grand-mère, surnommée L’amazone, aura eu sur votre vie une influence déterminante.

Dans ce Sénégal qui prenait tranquillement les chemins de la liberté, elle était la présidente d’un regroupement de femmes qui militaient activement pour Léopold Sédar Senghor, le poète qui allait devenir l’émancipateur du Sénégal. Nourri par cette ferveur militante, vous grandissez au soleil des discours humanistes et de l’idéal de bonté et d’harmonie prôné par le mouvement senghoriste.

L’été, à la demande de votre père, vous l’assistez dans ses tâches à la Bibliothèque des administrateurs coloniaux de Linguère, dans votre région natale. C’est par ce canal que vous avez vos premiers contacts avec l’administration française.

En 1959, à la veille de l’indépendance de votre pays, vous obtenez votre licence en droit de l’Université de Dakar. Vous vous inscrivez à l’École nationale de la France d’outre-mer. Vous en sortez un an plus tard, premier de votre promotion.

Puis, vous allez à la rencontre de Paris, mais c’est l’amour qui vous surprend. Vous y rencontrez celle qui allait devenir votre épouse, Élizabeth, une Sénégalaise d’origine libanaise et de foi catholique.

À votre retour de France, vous entrez dans le gouvernement de Léopold Sédar Senghor. Il allait devenir votre maître. Vous alliez devenir son émule. Cette relation allait marquer votre vie, la sienne et celle de votre pays.

Vous êtes successivement directeur de la Coopération technique internationale, adjoint au secrétaire général du gouvernement, secrétaire général du ministère de la Défense et, à partir de décembre 1961, gouverneur de la région de Sine Saloum.  Vous n’êtes âgé que de 26 ans, mais vous êtes déjà  l’une des figures fortes du nouveau Sénégal.

L’instauration de la démocratie bouscule les habitudes. Souvent, vous devez tenir tête à l’autorité traditionnelle des chefs de village pour que s’accomplisse le changement. Vous allez même jusqu’à défier le poète président lui-même, lorsqu’il exige une allégeance personnelle des gouverneurs. Vous seul refusez. Vous y voyez un excès d’autorité incompatible avec votre conception de l’État démocratique républicain.

Le président Senghor vous destitue de votre poste de gouverneur et vous redevenez simple fonctionnaire au ministère des Affaires étrangères. Mais, à peine trois mois plus tard, il fait de vous son directeur de cabinet.

Moins d’un an plus tard, à titre de secrétaire général de la présidence de la République, vous participez à la rédaction d’un traité qui allait donner naissance à l’Agence de coopération culturelle et technique, à la fois berceau et bourgeon de l’actuelle Organisation internationale de la Francophonie. 

Puis, vous êtes élu député de la circonscription électorale de Louga. Vous vous passionnez pour l’économie de la nouvelle République. En 1968, vous devenez titulaire du portefeuille du plan et de l’industrie. En 1970, voyant en vous son meilleur atout, le président Senghor vous fait premier ministre. Vous avez alors 35 ans.

C’est peu après que vous aurez votre premier contact avec le Québec. Vous en revenez saisi par le froid mordant de février 1971 qui contraste avec la chaleur des Québécois. Et peut-être est-ce là,  dans la poésie des accents, que naît en vous l’idée d’une grande francophonie qui serait carrefour de progrès.

Vous serez premier ministre pendant dix ans. Vous vous consacrerez au développement de l’économie et à la consolidation de l’État sénégalais. Le 30 décembre 1980, le poète président démissionne après avoir tout donné pour son pays. Deux jours plus tard, vous prêtez serment comme 2e président du Sénégal libre. Ceux qui avaient vu en vous l’homme de Senghor ravalent leurs paroles. Après Senghor le libérateur, arrive Diouf le modernisateur. Les réformes ne font que commencer. Vous avez un projet ambitieux pour créer les conditions propices au progrès et à l’amélioration des conditions de vie.

Viscéralement démocrate, profondément attaché à la liberté de parole, vous instaurez le multipartisme dans cette jeune démocratie pour libérer les voix de l’opposition et permettre de vrais débats tournés vers la recherche du bien commun.

En 1983, vous êtes confirmé dans vos fonctions par le peuple à la faveur d’élections présidentielles. Vous ouvrez d’autres fronts de progrès : priorité à l’éducation et à une réforme de l’agriculture.

Deux fois encore, en 1988 et 1993, votre peuple vous reconfirme président du Sénégal.  Et, pendant ces années, votre prestige ne cesse de croître. Vous êtes un géant africain. Vous accédez à la tête de l’Union africaine et de la Communauté des États de l’Afrique de l’Ouest. Votre sens de la justice apaise les conflits; sous votre autorité morale, des poings levés deviennent des mains tendues. 

En 2000, les Sénégalais élisent votre successeur. Mais vous êtes étranger au repos.  Moins de deux ans plus tard, vous prenez la direction de l’Organisation internationale de la Francophonie. Vous vous y investissez avec cet enthousiasme de perpétuel réformateur qui a été le signe de votre engagement public.

En quelques années, vous menez à bien un véritable renouveau de l’OIF; vous dotez l’organisation d’un cadre juridique, institutionnel et financier qui lui permet de renforcer sa voix dans un monde en transformation. Vous avez fait d’une organisation qui partage une langue, une organisation qui partage un cœur. Vous avez démontré non seulement la pertinence de la Francophonie internationale, mais sa nécessité.

Pour réaliser votre ambitieux travail à l’OIF, vous avez su vous entourer de gens d’exception. Parmi eux, l’un de nos meilleurs diplomates, Clément Duhaime, que vous avez arraché à la Délégation générale du Québec à Paris!

Signe éclatant du poids de l’OIF et de l’influence de son grand leader africain, vous convainquez plus du quart des États membres de l’ONU de ratifier la Convention sur la protection et la promotion des expressions culturelles, une cause chèrement défendue par le Québec. La Francophonie est plus qu’une autre voix; elle devient le défenseur des sans-voix du monde.

Depuis votre accession à la direction de l’OIF, le Québec fait partie de vos habitudes... pour notre plus grand bonheur. Chacune de vos visites est pour nous l’occasion de nous abreuver à la richesse de votre propos et à la lumière de votre sagesse. Par votre attachement à la liberté et à la justice, par votre ouverture sur le monde, par votre amour de la langue française, vous êtes une inspiration pour le Québec.

En 2007, vous avez intégré l’Ordre national du Québec au rang d’officier. Depuis, vous n’avez eu de cesse de promouvoir une grande francophonie humaniste et responsable.

En octobre 2008, vous avez dirigé, ici, à Québec, le 12e sommet de la Francophonie. La Déclaration de Québec a marqué par sa fermeté à l’égard de la saine gouvernance démocratique et son plaidoyer en faveur d’un renforcement de l’apprentissage du français. Ce fut aussi l’un des premiers rassemblements de chefs d’État et de gouvernement appelant à des solutions concrètes pour éviter la répétition d’une crise financière alors encore naissante, mais dont le grondement laissait présager de la gravité.

À Montreux, nous avons travaillé ensemble pour que la Déclaration demande qu’on renforce l’accompagnement des pays francophones du sud qui s’engagent dans le développement de leur politique nationale en matière de culture. Nous avons également annoncé que le premier forum mondial de la langue française aura lieu à Québec l’an prochain : une coopération entre l’OIF et le gouvernement du Québec.

Pour votre travail, votre exemple, votre passion, vous êtes aujourd’hui promu. Très cher Abdou Diouf, au nom du peuple québécois, je vous décore de l’insigne de grand officier de l’Ordre national du Québec.

Mise en ligne : 30 mai 2011

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